Xinjiang : nouveau visage, nouvelle politique ?

Zhang Chunxian, nouveau gouverneur du Xinjiang

Zhang Chunxian, nouveau gouverneur du Xinjiang

La Chine a-t-elle changé de politique vis-à-vis du Xinjiang, théâtre de heurts sanglants entre Hans et Ouïgours en juillet dernier ? Plusieurs signes le laissent penser dix mois après les émeutes gravissimes qui ont coûté la vie à 200 personnes, en majorité hans. Pékin avait alors accusé – sans donner de preuves tangibles – la diaspora ouïgoure d’avoir fomenté les événements, et décidé de couper toutes les télécommunications.

 

En rétablissant Internet après dix mois d’interruption, le gouvernement veut aujourd’hui signaler un retour à la normale dans cette vaste « région autonome ouïgoure » où les Ouïgours ne sont plus majoritaires et où ils ne jouissent d’aucune autonomie réelle. Des émeutiers coupables de massacres ont été rapidement jugés et exécutés. Mais plus profondément, les autorités semblent avoir compris la nécessité de changer de méthode face à l’exaspération de cette population turcophone et musulmane.

 

Annoncé le 1er mai, un nouveau règlement exige que les candidats à la fonction publique soient bilingues (chinois-ouïgour). « C’est un virage à 180° dans une région soumise depuis des décennies à une politique de sinisation intense », estime un diplomate européen.

 

De même, le 5 mai, Pékin annonçait que les provinces les plus riches de la Chine côtière allaient injecter dix milliards de yuans (environ un milliard d’euros) dans les districts les plus pauvres du Xinjiang afin d’y améliorer les conditions de logement, d’emploi et d’éducation. Ce transfert financier massif devrait rééquilibrer les investissements jusqu’ici concentrés dans les mégapoles sinisées d’Urumqi et de Karamay. « L’espoir des autorités est de calmer la grogne persistante des Ouïgours en les faisant participer plus équitablement aux fruits du boom », explique le diplomate.

Le symbole le plus fort de ce grand virage a été le départ, fin avril, du tout-puissant satrape du Xinjiang, Wang Lequan. Surnommé « le roi du Xinjiang » – Wang signifie roi en chinois – le premier secrétaire du parti avait régné quinze ans durant, bien au-delà de la durée habituelle. C’est lui le théoricien de la « politique de la massue » appliquée jusque dans les régions tibétaines. Haï par les Ouïgours pour sa politique ultra-répressive et ses commentaires méprisants, très apprécié au contraire par Pékin et spécialement par le président Hu Jintao dont il était le protégé, il avait fini par s’attirer la détestation y compris des Hans d’Urumqi qui avaient, lors d’une rare manifestation de défiance, exigé son départ à la suite de sa gestion catastrophique des problèmes de la région. Wang Lequan est désormais sur une voie de garage. Son successeur est une sorte d’« anti-Wang ». Le visage amène, le verbe policé, Zhang Chunxian, ancien ministre des Transports puis patron du Hunan, est surnommé « Secrétaire Internet » à cause de son goût affiché pour les moyens modernes de communication. La manière forte remisée, une grande réunion nationale doit bientôt préciser la nouvelle politique. Reste à savoir si la solution « plus d’argent et plus de com » suffira pour gagner la confiance d’une minorité ethnique si longtemps et si férocement maltraitée.

Ursula Gauthier

source : Nouvel Obs

 

Defacto : Zhang Chunxian a déclaré le 10 mai : « Nous devons frapper fort contre toutes les activités séparatistes et destructrices portées par les trois forces que sont le terrorisme, le séparatisme et l’extrémisme religieux ». Pour le moment, le discours reste assez musclé…

 

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